Les tests de QI ne connaissent pas la crise. Si leur fiabilité est réelle lorsqu’ils sont faits sérieusement, certaines conditions doivent être respectées pour que les résultats servent les intérêts de la personne évaluée.

Difficile de leur échapper. Proposés un peu partout sur la toile, suggérés par les enseignants ou les psychologues scolaires en cas de comportement atypique d’un enfant, ils représentent souvent pour les parents ou certains adultes « à haut potentiel » l’espoir de mettre sinon un nom, au moins un chiffre sur une « différence ». Ils, ce sont les tests de QI, qui ne connaissent pas la crise, en dépit des mises en garde de nombreux psychologues quant à leur utilisation. Que mesurent exactement ces tests, quels sont ceux les plus souvent utilisés, pour qui et pourquoi? Et surtout, sont-ils fiables?
Le chiffre du QI n’est pas pas un score mais un rang

Inventé en 1905 par Alfred Binet, un psychologue français, le premier test d’évaluation avait pour but de repérer les élèves scolairement en retard. Sur la base d’un questionnaire permettant d’évaluer ce que les enfants étaient censés répondre à chaque âge, le scientifique a déterminé l’idée d’un âge mental, construit sur une comparaison entre les réponses d’un individu et celles des autres membres du groupe. Par la suite, nombreux sont les chercheurs ayant affiné ces questionnaires ou mis en place d’autres évaluations censées couvrir plus de compétences, avec l’établissement non pas d’un score comme beaucoup le pensent, mais d’un rang censé indiqué où se situe un individu par rapport à une intelligence « normale ».

En France, indique Robert Voyazopoulos, psychologue de l’Éducation nationale et auteur de nombreux écrits sur le sujet, « c’est l’échelle de Wechsler, du nom de son auteur, qui est la plus utilisée, par plus de 80% des psychologues ». L’autre test, moins fréquemment proposé est celui de Cattell. « D’une manière générale, il faudrait toujours préciser à quel type de test correspond le rang obtenu, sinon cela ne veut pas dire grand chose », indique Robert Voyazopoulos, regrettant par ailleurs cette suprématie du test de Wechsler, « alors que l’on peut avoir besoin d’évaluer différents aspects d’une personnalité et donc d’outils plus variés ».
« Les tests proposés sur Internet sont des impostures »

Attention, prévient Robert Voyazopoulos, « les tests proposés sur Internet ne mesurent absolument pas l’intelligence et sont des impostures. Au mieux, ils peuvent être ludiques, mais il ne faut surtout pas s’y fier ». Et de rappeler que le travail d’évaluation effectué par un psychologue se compte en une dizaine d’heures pour un seul individu, de l’entretien avec les parents puis avec l’enfant, à la passation du testqui se fait en général en deux fois, puis l’analyse des résultats, la rédaction du compte-rendu et la présentation de ce dernier à la personne testée ou à ses parents.

Si chaque test a ses spécificités, Robert Voyazopoulos ne remet donc pas en question l’utilité de ces outils. La question de la fiabilité se pose selon lui « plutôt du côté des thérapeutes et de la façon dont les résultats sont présentés et exploités ». « L’intelligence est un concept flou et fourre-tout », explique Robert Voyazopoulos. « Ces évaluations chiffrées doivent être vues comme des outils d’investigation puissants nous permettant d’obtenir des informations sur une personne, qu’il s’agisse de sa mémoire de travail, sa perception visuelle et auditive, sa capacité de traitement de l’information, de raisonnement, la place du langage dans sa construction, etc ». Autant d’indicateurs à même de cerner ses aptitudes et démentant l’image brandie par les détracteurs des tests selon lesquels seule la logique serait évaluée.
« Un chiffre seul ne veut rien dire »

Des outils puissants, donc, mais qui en revanche, souligne Robert Voyazopoulos, « peuvent être mal utilisés ». « Nous avons d’ailleurs avec certains de mes collègues alerté il y a quelques années la profession sur le danger de cette mauvaise utilisation et la responsabilité des psychologues en la matière. Un chiffre seul ne veut rien dire. Il y a des individus qui ont une intelligence ­originale, qui sont inventifs, créatifs, qui ont une pensée divergente. Ces derniers ont des formes d’intelligence que le QI ­classique n’exprime pas. Il faut toujours garder à l’esprit la raison pour laquelle cette évaluation a lieu et la faire en conséquence, dans le but d’améliorer les conditions de vie de la personne qui nous a été envoyée ».

« Un QI élevé ne signifie pas pour autant l’assurance d’une carrière brillante, de même qu’un chercheur ou un artiste n’a pas forcément un QI exceptionnel. Ce qui me semble capital dans les tests c’est d’abord par qui ils sont réalisés ». « Si nous apprenons à passer ces tests en licence de psychologie, témoigne Astrid Pourailly, étudiante en psychologie, c’est parce qu’il est très important de prendre en compte le cadre de la personne, son histoire familiale, le moment de la journée où nous le faisons car il peut être fatigué ect. Il est évident que selon de multiples facteurs, on peut obtenir des résultats très différents ».

« Aujourd’hui de nombreux parents se persuadent de performances extraordinaires de leurs enfants, ajoute la future psychologue. Des maladies psychosomatiques de l’enfant sont très souvent liées à une trop forte pression parentale, ne leur donnons pas une raison de plus pour le mettre en difficulté. Le psychologue est en droit de refuser la demande de test si elle ne lui semble pas justifiée ». Ou comment rappeler que nos enfants ne sont pas là pour combler une faille narcissique personnelle…
Des clés pour mieux se comprendre…

Souvent néanmoins, le fait d’avoir une idée plus précise des capacités d’un « haut potentiel » est décisif, qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte. Ce fut le cas par exemple pour Fabien, 35 ans, qui après des années à se sentir « à part », a fini par se faire tester et s’est découvert un QI de 140. « Le « score », je m’en moque. Mais aujourd’hui, je comprends un peu mieux qui je suis. Et le compte-rendu du psychologue correspondait vraiment à ce que je percevais de moi… »

Louane, la fille de Julia avait quant à elle toujours été un peu difficile, en avance, dégourdie mais pénible, raconte sa mère. L’année du CP a été chaotique, elle a commencé à s’ennuyer à l’école et à la maison, cela ne se passait pas bien. » Rendez-vous est pris avec une psychologue, qui évoque une possible précocité. « Elle nous a proposé de lui faire passer un test, nous avons accepté. Cela devait durer 1h30, tout était fini en 50 minutes. » Quinze jours plus tard, se souvient Julia, le « verdict » est tombé: « Louane était surdouée, très haut potentiel. La psychologue nous a expliqué les quatre subtests qu’elle avait fait passer et nous a montré les résultats. J’avoue que je n’ai absolument rien compris dans un premier temps. Elle nous a parlé QI, hétérogénéité, difficulté, grande intelligence… On était un peu sonnés ».

Aujourd’hui, Louane est en CE1 et, confie sa maman, le fait d’avoir pu mesurer ses capacités de la sorte permet d’expliquer aux enseignants son mode de fonctionnement parfois différent: « par exemple en maths c’est assez difficile car elle n’a absolument pas la même façon de raisonner que les autres. Elle trouve les solutions sans problème mais elle ne peut que difficilement l’expliquer. c’est une sorte d’évidence ». « Et de son côté, j’ai l’impression qu’elle se sent mieux comprise et plus en confiance. Elle ose beaucoup plus qu’avant poser des questions même si c’est sur l’origine du monde ou le sens de la vie. Elle sait qu’on va essayer d’y répondre au mieux. »
…et prendre les bonnes décisions

La fille de Delphine a quant à elle été testée à 4 ans et demi, sur les conseils de sa maitresse. « Elle a passé le classique WPPSI-III (échelle de Wechsler) et un test de « maturité » qui détermine l’âge « réel » de l’enfant. » Les résultats ont montré une précocité certaine, mais, explique Delphine, « plus que le QI, qui n’est qu’une moyenne de plusieurs éléments, c’est l’aide de la psy qui a compté. Elle nous a donné des clefs pour comprendre et pour prendre les bonnes décisions (notamment les sauts de classe), sans nous mettre la pression: « avancez pas à pas, ne tirez pas de plans sur la comète, prenez des décisions une année après l’autre ».

« Pour moi le chiffre de QI importe peu. Je ne l’accole pas à ma fille comme peuvent le faire certains parents. Ma fille ne le connaît pas, ça n’a aucun intérêt à mon sens. Mais elle connait sa différence et l’explique à sa façon », conclut Delphine.

Source : http://www.lexpress.fr