Comment détecter un enfant précoce et comment l’aider ?

Les jeunes prodiges nous ont toujours fascinés, comme cet enfant mexicain de 6 ans qui fait le tour du monde sur les réseaux sociaux parce qu’il donne des cours à la faculté de médecine. En France, le Dr Olivier Revol, l’un des spécialistes de la précocité intellectuelle, a, lui, vu décoller les ventes de son livre 100 Idées pour accompagner les enfants à haut potentiel. Un succès qui s’accompagne de cet autre constat : les parents sont de plus en plus nombreux à consulter pour leurs enfants qu’ils pensent précoces. Aujourd’hui, on aurait tendance à voir des surdoués partout, surtout que ces capacités hors normes peuvent se révéler au grand jour ou rester cachées, ce qui provoque notamment des troubles de l’apprentissage. Le nombre de jeunes HPI (à haut potentiel intellectuel) serait-il en augmentation ?

Des “surdoués” en échec scolaire ?
Disons-le tout de suite, le chiffre de 2,2 % d’enfants ayant obtenu un score d’au moins 130 sur les échelles d’intelligences de type Wechsler – le quotient intellectuel moyen étant de 100 – reste relativement stable sous toutes les latitudes ! Pour la sociologue Kathleen Tamisier, « l’évolution des connaissances, l’intérêt croissant des parents pour la psychologie et le devenir de leur enfant explique, avant tout, cet emballement ». Aujourd’hui, des travaux scientifiques sur le fonctionnement cérébral des enfants à haut potentiel ont mis en lumière l’existence de deux grands profils d’enfants HPI : les « laminaires », qui constituent la majorité, et les « complexes ». Les premiers sont bien repérables par leurs capacités cognitives, une plus grande rationalité, un raisonnement plus déductif et un comportement mieux adapté à l’environnement. Les seconds sont moins « académiques », plus créatifs, plus intuitifs. Ils réclament plus d’attention en raison d’un grand manque de confiance en eux. Ces enfants se sentent en général différents, ne rentrent pas dans le moule et cherchent souvent à se normaliser. Au lieu de montrer leurs connaissances, ils préfèrent se mettre en retrait, allant jusqu’à brouiller les pistes pour les enseignants, qui commenteront : « Ne fais pas d’efforts en classe », « Ne s’implique pas », « Dans la lune »… Nous sommes nombreux à pouvoir y reconnaître notre progéniture ! « Les psys ont parfois souligné à l’excès les “risques” de la précocité intellectuelle, devenue synonyme de souffrances, de désocialisation et de parcours scolaire chaotique, si bien qu’à la moindre difficulté les parents sont tentés net, est ler de faire le rapprochement », souligne le pédopsychiatre Gabriel Wahl. Pour Kathleen Tamisier, « certains souhaitent tellement que leur enfant soit surdoué qu’ils exacerbent le moindre indice, mais ce n’est pas parce qu’un enfant s’ennuie à l’école qu’il est précoce ! » Pourtant, qu’importe si les parents se trompent… Pour le pédopsychiatre, mieux vaut consulter en cas de doute : « Il me paraît légitime que, dans une société compétitive où la scolarité détermine toute une existence, les parents aillent jusqu’au bout de leurs interrogations, surtout lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés scolaires, comportementales ou relationnelles. »

Des tests toujours utiles
D’autant que les projections excessives concernent en fin de compte une minorité de parents. Par exemple, le père de Lise, 14 ans, a dû, lui, résister à l’idée de faire sauter une classe à sa fille. « Lise a toujours été très éveillée, raconte-t-il. Elle a appris à lire avant 6 ans et on nous conseillait de la faire passer directement de la dernière année de maternelle au CE1. Nous n’étions pas d’accord. On lui a fait passer un test qui a finalement révélé qu’elle n’était pas à haut potentiel. Aujourd’hui, Lise est restée une très bonne élève, bien dans ses baskets, qui poursuit une scolarité normale dans le public. » Le plus souvent, c’est l’inquiétude qui pousse les familles à s’interroger. Cela a été le cas de Laura, mère d’un petit garçon de 4 ans. « Tous les matins, avant d’aller à l’école, Tom pleurait ou s’énervait, relate-t-elle. Il me disait qu’il n’apprenait rien à l’école, qu’il passait son temps à faire du découpage et du coloriage. Il ne voulait pas rester l’après-midi, car il voulait “profiter de sa journée”. Cela nous a mis la puce à l’oreille… » Il s’est en effet avéré que Tom était à haut potentiel. Pour le Dr Gabriel Wahl, ce sont justement des enfants comme lui qu’il faut repérer en urgence. « Il est toujours utile de vérifier la précocité d’un enfant en particulier quand il se trouve en difficulté dans sa vie sociale, familiale ou scolaire. Cela permettra de rassurer les parents en donnant du sens à certains de ses comportements et d’adapter sa scolarité, car un trop grand décalage avec les autres élèves peut générer beaucoup de souffrance. » Et si le résultat n’est pas celui attendu ? Muriel, mère de Léonard, 7 ans, le dit avec soulagement : « S’interroger sur l’éventuelle précocité de mon fils a permis de poser le diagnostic d’hyperactivité et de pouvoir enfin l’aider. »

Les parents se trompent rarement
Pour en avoir le cœur net, il n’y a qu’un seul moyen : faire passer un test de QI de type Wechsler, « le seul baromètre vraiment fiable de la précocité », assure le Dr Gabriel Wahl. Ce test est même possible à partir de 2 ans et demi pour des enfants qui, dès la naissance, ont montré des signes précurseurs. Ils ont été des nourrissons très éveillés, au regard scrutateur, qui dormaient peu, percevant avec acuité les attentes et les émotions de leurs proches. Puis ils ont parlé et/ou marché très tôt. Pourtant, certains enfants à haut potentiel peuvent présenter des retards dans ces domaines… Toute la difficulté sera là, car la précocité, c’est bien plus qu’un QI. « L’enfant à haut potentiel pourra aimer disserter sur l’origine du monde, mais ne s’endormira pas sans un bisou et son doudou », résume le Dr Wahl, qui convient que, là encore, il n’est pas facile pour les proches de s’y retrouver… Mais le pédopsychiatre l’observe : « Les parents ont très souvent un discernement et une objectivité remarquables. » Des études avancent qu’à peine 50 % des enfants identifiés comme surdoués par un enseignant se révèlent l’être après vérification. Mais le taux grimpe à 80 % quand ce sont les parents qui demandent le test. « Je me souviens d’un petit garçon de 3 ans que j’ai reçu en consultation. Quand je lui ai donné un conseil pour avancer son siège, il m’a remercié d’un “C’est une bonne technique”. Je suis resté bouche bée. Sa mère, elle, s’est amusée de mon étonnement. Elle avait une longueur d’avance sur moi. »

Source : femina.fr Auteur : Valérie Josselin