Qui dit surdoué ne dit pas forcément parcours brillant. De fait, nombreux sont les adultes, autrefois enfants intellectuellement précoces, à ignorer leurs capacités. Voici quelques repères pour se situer.

En l’absence d’un dépistage généralisé, des milliers d’enfants, et en conséquence des dizaines de milliers d’adultes, sont surdoués sans s’en douter le moins du monde, car ils ne se trouvent pas très au point justement. Ils partagent l’idée communément admise que quelqu’un de très intelligent, ça se voit, ça réussit ses études et ça poursuit une brillante carrière. Donc, en l’absence d’une telle réussite, ils ne peuvent se concevoir comme surdoués et lorsque vous émettez cette hypothèse les concernant, ils commencent par nier farouchement, vous dressant la liste de tous leurs échecs, éberlués par l’incongruité d’une affirmation aussi peu crédible à leurs yeux.

Un bagage génétique héréditaire

Or, être surdoué, c’est d’abord une question de neurophysiologie, un bagage génétique qui se transmet de génération en génération. Cela se traduit, entre autres, par une myélinisation accrue des neurones, c’est-à-dire un gainage plus important des prolongements neuronaux qui augmente la vitesse de transmission des informations, en limite la déperdition et conduit le cerveau à utiliser moins d’énergie dans son fonctionnement courant. Les diverses zones cérébrales sont aussi mieux connectées entre elles, ce que permet une pensée plus globale, souvent plus intuitive, qui joue beaucoup de tours au surdoué confronté à un système scolaire ou professionnel qui ne valorise pas cette manière inhabituelle de réagir.

Cette différence de câblage dote aussi le surdoué d’une plus grande acuité de ses cinq sens et lui apporte une plus grande sensibilité émotionnelle, souvent mal accueillie par l’entourage. On pointe son hypersensibilité, voire son manque de maturité, alors que ses tendances à l’empathie sont spontanément plus fortes. Bref, être surdoué, c’est avoir un cerveau qu’il faut apprivoiser comme si on conduisait une voiture de grand prix, ce qui rend les choses bien plus compliquées qu’être au volant d’une berline familiale.

Puisqu’il s’agit d’une transmission héréditaire, repérable dès les premiers mois de l’existence pour un oeil averti, il en découle que si votre enfant a été diagnostiqué surdoué, vous ou votre conjoint l’êtes aussi, voire vous l’êtes tous les deux, car les surdoués ont tendance à s’attirer. De même, si vous ne vous sentez pas trop bien dans votre peau, si vous vous posez beaucoup de questions, avec l’impression d’être souvent en décalage avec autrui, repérer les caractéristiques qui font éventuellement de vous un ou une surdoué(e), vous permettra de découvrir vos meilleurs atouts dans la vie.

Concentration, mémoire mais aussi étourderie et hypersensibilité

Vous ennuyiez-vous à l’école, sans comprendre pourquoi l’enseignant répétait plusieurs fois la même chose? Pour trouver le temps moins long, vous envoliez-vous dans vos rêves ou faisiez-vous le pitre plutôt? Aviez-vous des notes en dents de scie, selon ce qui vous passionnait sur le moment ou encore selon votre sympathie pour le professeur? Trouviez-vous difficile d’apprendre par coeur, alors que vous connaissiez vos cours sans les avoir révisés, si cela vous intéressait?

Avez-vous décroché à un moment de votre parcours scolaire, en globalité ou dans certaines matières, car tout cela vous dépassait et n’avait guère de sens pour vous? Avez-vous des capacités de concentration et de mémoire qui étonnent autour de vous, mais seulement si vous êtes motivé(e)? Êtes-vous capable de vous remémorer des détails anodins que vous êtes seul(e) à avoir remarqués? Adorez-vous découvrir des choses et partager ce que vous avez appris? Êtes-vous d’une étourderie parfois handicapante, car votre esprit est déjà passé à l’idée suivante? Avez-vous l’impression de ne pouvoir vous arrêter de penser, au point que cela vous donne le vertige et que cela agace vos proches? Vous trouvez-vous trop sensible, trop révolté(e) par l’injustice, l’hypocrisie, etc.?

Ou alors avez-vous l’impression d’avoir enfoui toutes ces choses au fond de vous pour arrêter de souffrir, être comme tout le monde et cesser de vous faire remarquer? Sans doute serait-il temps pour vous d’arrêter de cacher vos véritables richesses, d’apprendre à vous aimer pour vous sentir mieux avec vous-même et avec les autres.

Par Yvane Wiart, auteur de L’attachement, un instinct oublié (Albin Michel, 2011) et de Petites violences ordinaires: la violence psychologique en famille (Courrier du Livre, 2011), Stress et cancer: quand notre attachement nous joue des tours” (DeBoeck, 2014), chercheuse en psychologie à l’Université Paris Descartes.

Mise à jour: Face au nombre de réactions à cet article, Yvane Wiart a créé un forum pour que toutes et tous puissent échanger sur ce sujet: http://surdoue-adulte.forumactif.org/.

Source : lexpress.fr